L’intelligence artificielle se mange à toutes les sauces. Si l’on se réfère à la couverture médiatique dont elle bénéficie, cette technologie est d’ores et déjà en train de bouleverser les habitudes dans tous les domaines – en attendant de révolutionner notre quotidien dans les années à venir.
Mais qu’en est-il de l’immobilier ? Une voiture qui se conduit toute seule ou un programme informatique qui remporte une partie d’échecs contre un champion du monde, c’est formidable, mais est-ce que ça va changer quoi que ce soit à la façon dont vous exercez votre métier ? Et devez-vous espérer un tel changement, ou le craindre de toutes vos forces, au prétexte qu’il risquerait de remettre en cause l’existence même de votre job ?
Telles sont les questions que pose le sujet de l’intelligence artificielle dans l’immobilier. Un sujet que nous vous proposons de défricher (et de démystifier) pour mieux comprendre le potentiel de l’IA dans votre secteur, et pour déterminer s’il s’agit d’une ennemie ou d’une amie de votre métier.
L’intelligence artificielle dans l’immobilier : de quoi parle-t-on ?
Avant toute chose, il n’est pas inutile de rappeler, en quelques mots, ce qu’est l’intelligence artificielle. L’expression désigne l’ensemble des programmes informatiques et des technologies conçus pour effectuer des tâches tout en « apprenant », dans le but de s’améliorer progressivement.
Les outils dérivés de l’IA ne se contentent pas d’appliquer des programmes tout faits, mais emmagasinent des données dont ils se servent pour évoluer. Par exemple, un chatbot (ou « agent conversationnel », programme capable de répondre à des questions basiques posées par des internautes) va étoffer son vivier de réponses à partir des demandes formulées précédemment, en faisant grossir son vocabulaire et en améliorant la précision de ses interventions. Autre exemple : les algorithmes de suggestion qui permettent à des sites marchands ou des plateformes de VOD comme Netflix de vous recommander des produits à acheter ou des programmes à visionner en fonction de vos préférences, celles-ci étant bâties sur vos habitudes de navigation ou sur les programmes déjà regardés.
En somme, vous utilisez sans doute de tels programmes presque tous les jours sans forcément vous en rendre compte…
Quand on parle d’intelligence artificielle dans l’immobilier, on évoque généralement des applications concrètes de ces technologies aux bâtiments eux-mêmes, le plus souvent dans le domaine de la domotique (les programmes intelligents intégrés au fonctionnement quotidien du logement résidentiel ou professionnel). Des ampoules connectées qui « notent » l’heure à laquelle vous rentrez du travail chaque jour et qui s’allument quelques minutes avant votre arrivée font partie de ces technologies.
C’est l’aspect de l’IA le plus immédiatement visible, mais, bien entendu, c’est loin d’être le seul. Tout un pan de l’immobilier commercial est concerné par les progrès de cette technologie, notamment ce qui touche au traitement de grandes quantités de données ou à l’évaluation des risques d’une transaction. Il est déjà possible, par exemple, de compter sur des applications de l’intelligence artificielle dans l’immobilier pour évaluer le niveau de risque d’une opération d’achat au regard de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme – une thématique abordée dans cet article.
Quelles applications concrètes pour l’intelligence artificielle dans l’immobilier commercial ?
Ces exemples ne sont que la partie visible de l’iceberg. Selon une étude réalisée par le cabinet Xerfi en 2019 (« Les enjeux et défis de l’IA dans la filière de l’immobilier »), la place des technologies basées sur l’intelligence artificielle dans l’immobilier devrait se renforcer dans les années à venir, jusqu’à ce que tous les maillons de la chaîne de valeur soient pénétrés à des degrés divers.
L’étude distingue trois grandes familles d’applications :
- La conception et la gestion des bâtiments (smart building ou smart office) ;
- La valorisation des biens et des territoires (estimations de valeur, services d’iBuying) ;
- Le marketing et la relation client (marketing prédictif, recommandations personnalisées, chatbots).
Arrêtons-nous sur la troisième famille d’applications de l’intelligence artificielle dans l’immobilier, puisque c’est celle qui vous concerne directement.
Le marketing prédictif s’appuie sur les technologies d’IA pour personnaliser les campagnes marketing à partir d’un profilage pointu des internautes, et notamment de leurs activités sur les sites web et les réseaux sociaux. Les outils se chargent eux-mêmes de définir les critères de ciblage optimaux pour des prospects donnés. Avec un risque, toutefois : que cette méthodologie entre en contradiction avec les exigences du RGPD au regard de la collecte et du traitement des données.
Les recommandations personnalisées s’adressent plutôt aux prospects acheteurs. Elles s’inspirent de ce que font les plateformes de VOD – nous en avons déjà donné un exemple plus haut – en suggérant aux acheteurs potentiels des alternatives de biens immobiliers à visiter à partir de leur recherche initiale, et en tenant compte de l’évolution de leurs critères au regard du marché. Le risque, c’est le manque de pertinence de l’algorithme de recommandation, celui-ci ne pouvant fonctionner que sur des données génériques issues d’un grand nombre d’acheteurs. La combinaison de l’outil et de l’expertise humaine reste incontournable.
Les chatbots sont des programmes conversationnels conçus pour échanger avec les internautes. Ils sont capables de prendre en charge des requêtes de premier niveau et de renvoyer les utilisateurs vers les personnes compétentes quand cela s’avère nécessaire. Ces applications de l’intelligence artificielle dans l’immobilier existent déjà et passent par des messageries instantanées ou des interfaces pour syndics de copropriété (avec le risque de ne pas respecter le RGPD, comme on l’a vu récemment à travers la mésaventure d’un important réseau immobilier français). Elles sont liées à la gestion quotidienne de l’activité des agents immobiliers et offrent la possibilité de déléguer à l’IA la prise en charge de tâches à faible valeur ajoutée, de manière à libérer du temps pour se consacrer à des missions plus importantes – prospection, relation client et suivi des mandats. Elles permettent également de s’appuyer sur l’analyse automatisée de la donnée pour accélérer le cycle de vente.
De telles applications de l’IA sont propres à l’immobilier, mais elles ne sont pas les seules à intéresser les professionnels. Les progrès de la recherche vocale, par exemple, relèvent du domaine du référencement naturel, mais les agents immobiliers qui utilisent le levier de l’acquisition de trafic ont tout intérêt à y regarder de près, et sans attendre.
Demain, d’autres applications de l’intelligence artificielle dans l’immobilier verront le jour, toujours dans l’optique de soutenir les professionnels dans leurs tâches quotidiennes :
- Rédaction automatique d’une annonce immobilière à partir des critères du logement rentré en catalogue, et création de versions différentes en fonction des exigences des divers supports de diffusion.
- Automatisation de la prise de contact entre les prospects et les agents immobiliers par le biais de l’analyse de la boîte mail et du planning, par exemple pour proposer un créneau libre dans l’emploi du temps du professionnel.
- Qualification des contacts qui visitent le site web de l’agence ou qui consultent les annonces des biens en vente.
- Recherche automatisée des prospects vendeurs dans une zone donnée, sur la base des comportements de navigation (ceux qui visitent des plateformes de conseils dédiés à la vente, par exemple).
- Gestion de tâches administratives essentielles, comme la vérification des pièces justificatives remises par un vendeur, un acheteur ou un candidat à la location.
L’intelligence artificielle dans l’immobilier, amie ou ennemie ?
Maintenant que l’on a fait le tour des applications présentes et futures, faut-il voir l’intelligence artificielle dans l’immobilier comme un danger potentiel ou comme une opportunité ?
À ce stade, il est clair que l’IA ne représente aucun danger immédiat, ne serait-ce qu’en raison de son sous-développement actuel. En effet, les solutions basées sur cette technologie sont encore rares. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les services fondés sur l’analyse de la donnée (Smart Data) reposent peu, voire pas du tout, sur le machine learning ou le deep learning. De fait, les ruptures majeures sont encore à venir, avec la création future d’écosystèmes collaboratifs dans lesquels les professionnels de l’immobilier travailleront en partenariat, par exemple les portails d’annonces avec les promoteurs (cela se fait déjà un peu, SeLoger et LeBonCoin ayant une longueur d’avance sur ce point).
Quant à la question qui vous brûle les lèvres, il est temps d’y répondre sans même l’avoir distinctement posée : non, les applications de l’intelligence artificielle dans l’immobilier ne vont pas détruire les métiers de la transaction. S’il est déjà possible de réaliser une vente entièrement avec des outils web, on est encore loin du moment où les agents immobiliers seront remplacés par des machines. De plus, en vertu du principe de « destruction créatrice », de nouveaux usages naîtront de l’IA et appelleront de nouveaux métiers, qui viendront appuyer ceux de la transaction, à l’image du « Data Analyst ».
L’intelligence artificielle est l’amie des professionnels de l’immobilier, pas leur ennemie. Du moins, à ce jour. À condition de bien vous préparer à l’avenir, cet état de fait ne devrait pas changer.
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