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Avis de valeur : et si votre responsabilité d’agent immobilier était engagée ?

6 novembre 2019

L’agent immobilier a une obligation de moyens et non de résultat. Sa responsabilité est ainsi limitée quant à l’estimation de la valeur du bien qui lui est confié et à la réussite de sa mission consistant à trouver un acquéreur pour son vendeur.

Pour autant, le secteur de la transaction n’est pas à l’abri d’une évolution potentiellement impactante de cette règle. Une jurisprudence récente invite à penser que l’avis de valeur, résultat de l’estimation réalisée par l’agent immobilier, pourrait un jour ou l’autre engager son auteur au même titre qu’une expertise… et qu’une erreur dans l’évaluation, pour peu qu’elle porte préjudice au vendeur d’une façon objective, pourrait être assimilée à un manquement à son obligation d’information et de conseil.

Qu’en est-il vraiment ? Faisons le point.

Aujourd’hui : l’avis de valeur et l’engagement limité du professionnel

L’avis de valeur est le nom donné au rapport d’estimation quand l’évaluation d’un bien est réalisée par un agent immobilier, en opposition au travail fourni par les experts (inscrits auprès de la Chambre des Experts Immobiliers de France).

Ce document vise à déterminer la valeur vénale ou locative d’un bien immobilier à une date donnée. Son résultat s’appuie sur une série de processus : visite des lieux, analyse du marché immobilier local, exploitation de diverses données techniques et tarifaires (valeur des biens similaires dans le même secteur, etc.). Plus de détails sur cette page.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’avis de valeur n’engage pas la responsabilité de l’agent immobilier qui le rédige. Il ne s’agit que d’un document informatif. Tandis que l’estimation réalisée par un expert, elle, constitue un acte juridiquement engageant. Un vendeur peut se retourner contre un expert au prétexte qu’il a surévalué ou sous-évalué son logement (d’autant plus qu’un rapport d’expertise est utilisé, le plus souvent, dans un cadre administratif ou fiscal, avec des conséquences potentielles pour le déclarant), mais il ne peut pas agir à l’encontre d’un agent immobilier qui, juridiquement parlant, ne fait que donner son avis.

On considère, à ce titre, que la conclusion de l’agent immobilier en termes de valeur n’a que peu de conséquences concrètes sur le vendeur, tant qu’elle n’a pas été traduite par une cession et par un prix, voire, dans les cas extrêmes, par une décision de justice. On peut aussi estimer que la valeur est une donnée objective, tandis que le prix comporte une part de subjectivité, ce qui explique le flou juridique.

Voilà où en sont les choses à ce jour… Mais qu’en sera-t-il demain ?

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Demain : une responsabilisation accrue de l’agent immobilier

Une jurisprudence récente pourrait remettre en cause cet état de fait. Le 7 mars 2018, la cour de Bordeaux a tenu un agent immobilier pour responsable du préjudice subi par son client au prétexte de la sous-évaluation de la propriété de ce dernier. La cour a estimé que le professionnel a manqué à son devoir de conseil et d’information au regard de la valeur dudit bien.

L’appartement concerné a été évalué entre 110 000 et 120 000 € par l’agent immobilier, et mis en vente au prix de 130 000 € (avec la commission d’agence incluse d’un montant de 10 000 €). Le propriétaire l’a finalement vendu pour 117 000 € + commission. L’administration fiscale a ensuite proposé une rectification sur la base d’une valeur de 143 000 €, soit une différence de 23 000 € avec l’estimation haute de l’agent immobilier – et de 26 000 € avec son prix de vente final. La cour de Bordeaux a estimé que le propriétaire a perdu une occasion de vendre à un meilleur prix, et pointé du doigt la responsabilité de l’agent immobilier sur une double base : l’état du marché à la période du mandat, et l’absence de référentiel de prix dans l’estimation (celle-ci ayant fait l’objet d’un rapport écrit).

Un an plus tard, le 28 février 2019, le tribunal de Grande Instance d’Arras a retenu la responsabilité d’un notaire au prétexte qu’il a surestimé un ensemble immobilier, causant un préjudice à son propriétaire. Le TGI l’a condamné pour négligence.

Deux points à retenir de ces jugements :

  • À une année d’écart, ces deux jurisprudences tendent à rapprocher les statuts juridiques de l’expertise et de l’avis de valeur. La responsabilité de l’agent immobilier a été engagée par la cour de Bordeaux, comme celle du notaire l’a été par le TGI d’Arras.
  • Le sujet de la responsabilité civile du professionnel de l’immobilier au regard de l’estimation est souvent ignoré en raison de la difficulté que pose l’évaluation du préjudice ou de la notion de « perte de chance ». En somme, il est compliqué d’établir des preuves de négligence ou de manquement à ses obligations. Néanmoins, le jugement de 2018 laisse entendre que cette considération n’a rien d’immuable.

De fait, n’importe quel propriétaire qui s’estime lésé par une erreur dans l’évaluation d’un agent immobilier pourrait obtenir gain de cause en justice… Et entraîner une réaction en chaîne qui toucherait l’ensemble de la profession.

Le bon côté des choses ? Cette situation donne l’occasion d’ouvrir un débat sur la nécessité d’établir un statut d’expert applicable à l’agent immobilier, afin que son travail d’estimation soit parfaitement encadré – et son avis de valeur juridiquement viable. Cela contribuerait également à gommer l’ambiguïté latente qui pousse nombre de clients à pousser la porte de leur agence immobilière pour faire évaluer leur patrimoine dans le cadre de leur déclaration d’impôt sur la fortune immobilière…

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