Pas de visites, pas de ventes. Telle est l’équation avec laquelle les professionnels de l’immobilier doivent composer depuis le coup d’envoi du reconfinement, le 30 octobre dernier.
En l’absence de visites immobilières physiques, en effet, les transactions ne pourront pas être conclues. Un état de fait qui remet en cause le fonctionnement même des agences, des négociateurs indépendants et des réseaux de mandataires.
Où en est-on exactement ? Qu’est-ce que cette situation implique précisément pour votre enseigne ? Comment rebondir ? On fait le point.
Confinement : des visites immobilières toujours interdites malgré la mobilisation des professionnels et la volonté des particuliers
Lors de son intervention télévisée jeudi soir dernier, le Premier ministre Jean Castex a exclu tout assouplissement du confinement et confirmé l’interdiction faite aux commerces non essentiels de recevoir du public – et, incidemment, aux professionnels de l’immobilier d’organiser des visites physiques. Ce que la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, laissait entendre deux jours plus tôt à l’antenne de BFM Business en disant qu’il était encore trop tôt pour les autoriser.
Pourtant, les professionnels se sont mobilisés rapidement après l’annonce du reconfinement. La lettre ouverte au président de la République – au titre évocateur : « N’immobilisez pas l’immobilier ! » – diffusée par les dix principaux groupes français fait état de la volonté de la profession de trouver des solutions qui contentent tout le monde, dans le respect des mesures sanitaires. Extrait choisi : « Rappelons que l’immobilier est intimement lié aux parcours de vie : mariage, naissance, séparation, décès, mutation… Et ces événements se poursuivent, pandémie ou pas. Aujourd’hui, les Français qui veulent ou doivent impérativement changer de logement se retrouvent donc sans aucune solution. » Cela, alors même que les professionnels ont « fait preuve de responsabilité et mis en place les protocoles nécessaires pour garantir la sécurité [des] collaborateurs et [des] clients » dès le premier confinement au printemps.
Dans le même temps, 56 % des particuliers seraient disposés à visiter physiquement des logements durant le confinement s’ils y étaient autorisés (sondage Seloger.com évoqué plus longuement ci-dessous). Preuve, s’il en est, que les acheteurs et les candidats à la location n’abandonnent pas l’idée de réaliser leur projet immobilier, même dans une telle situation.
Ce double positionnement – la mobilisation des professionnels et la volonté des particuliers – aurait pu faire pencher la balance du côté d’une levée de l’interdiction, mais cela n’a pas été le cas. La question se pose, donc : et maintenant ?
On ne portera pas de jugement, ici, sur les paradoxes avec lesquels jongle l’exécutif depuis l’annonce du reconfinement (par exemple : affirmer l’importance du secteur de l’immobilier tout en plombant le marché et en paralysant l’activité des professionnels). On constatera simplement les difficultés auxquelles les agences immobilières sont confrontées pendant cette période, et l’on tâchera d’apporter des solutions pour mettre en place des actions concrètes dans l’intervalle.
Pas de visites immobilières, pas de transactions conclues : le blocage auquel sont confrontés les professionnels
Considérées comme « non essentielles », les agences immobilières ont été fermées dès le coup d’envoi du second confinement. Il était entendu que les négociateurs devraient privilégier le télétravail et que, surtout, ils seraient dans l’incapacité d’effectuer des visites physiques des biens dans le cadre des projets de vente ou de location. L’accent devrait donc être mis sur les visites virtuelles, avec les limites que l’on a déjà soulignées dans un précédent article. Parce que, dans l’imaginaire collectif, c’est bel et bien le digital qui nous sauvera tous.
Il est vrai que les professionnels de l’immobilier ont accéléré leur digitalisation en tirant les leçons du confinement du printemps, et que la visite virtuelle s’est largement développée.
Pour autant, une visite dématérialisée, aussi pratique soit-elle, ne peut pas remplacer une visite traditionnelle. Cet outil dépanne, mais ne répare pas. Une visite en distanciel permet aux acheteurs de se faire une bonne idée du logement, de ses caractéristiques et de ses prestations, mais pas d’évaluer sa luminosité, son niveau sonore ou la qualité de son environnement (les déplacements en extérieur étant eux aussi limités, les acquéreurs n’ont pas vraiment l’occasion de se promener autour des biens immobiliers qu’ils ont repérés). En somme, la visite virtuelle n’est en aucun cas un levier déclencheur d’un acte d’achat ou de location. L’interdiction gouvernementale bloque de facto les transactions jusqu’à nouvel ordre. En somme : pas de visites immobilières, pas de ventes conclues.
C’est d’autant plus paradoxal que les autres démarches relatives à la transaction ne sont pas frappées d’interdit. Il est possible de réaliser une estimation à distance, de faire signer un mandat ou un acte de vente (électroniquement ou en présentiel s’il n’y a pas d’autre solution viable), de procéder à un état des lieux, de déménager, et même d’effectuer des travaux de rénovation dans son domicile. Mais pas de visiter des biens ! Or, cette étape est primordiale pour les acheteurs.
Les Français veulent de « vraies » visites avant d’acheter
C’est ce que confirme une enquête Opinionway pour Seloger.com : 84 % des Français refuseraient d’acheter ou de louer un bien immobilier qu’ils n’auraient visité que par écran interposé. Seuls 14 % se disent prêts à signer en ayant sauté cette étape (et 28 % des Milléniaux, plus digital-compatibles). Des résultats qui montrent la place déterminante occupée par les visites physiques dans le parcours d’achat : les acheteurs et les candidats à la location ont besoin de se rendre sur place pour prendre une décision. Ce n’est nullement une surprise, seulement une confirmation – qui, dans le contexte actuel, remet tout en cause.
Pour autant, il ne faudrait pas jeter bébé avec l’eau du bain. Les visites virtuelles sont loin d’être inutiles. Elles revêtent un avantage majeur en permettant aux acheteurs de présélectionner des biens afin de limiter le nombre de visites immobilières physiques. Ce premier tri contribue à accélérer le parcours d’achat, une visite virtuelle prenant bien moins de temps que son pendant en présentiel.
En l’absence de visites physiques pour « confirmer » une première impression, les visites en distanciel ont au moins le mérite de permettre aux acheteurs et aux locataires de faire avancer leur projet – et aux professionnels de l’immobilier de préparer la suite des événements en qualifiant d’emblée les logements au regard des critères mis en avant par les clients. Il suffira ensuite, dès l’annonce d’un assouplissement des règles, d’organiser les visites réelles tant attendues sur la base des biens présélectionnés.
Le vrai défi des professionnels de l’immobilier : rebondir malgré tout et pérenniser leur activité
Clairement, la reprise des visites immobilières physiques n’est pas à l’ordre du jour, et ne le sera probablement pas avant un bon moment – malgré la promesse de l’exécutif de reconsidérer la question de l’ouverture de certains commerces le 1er décembre prochain. Il faudrait, pour cela, un bouleversement complet de la situation sanitaire, et un allègement notable de la pression qui pèse sur les hôpitaux.
Il y a donc fort à parier que cette interdiction sera reconduite. Cela, malgré un ensemble de précautions sanitaires qui permettraient d’effectuer ces visites en toute sécurité : respect des gestes barrières, limitation de la visite à une ou deux personnes, obligation de présenter un test négatif récent, absence des propriétaires considérés comme « à risque » lors des visites, etc. Des précautions mises en avant par les signataires de la lettre ouverte au président.
Cela, alors que la majorité des Français serait prête à visiter des biens si l’interdiction était levée pendant le confinement.
Il n’y a donc pas d’autre choix que d’attendre que les choses se tassent – ou que les bonnes décisions soient prises. Dans l’intervalle, il faut pourtant garantir la poursuite de votre activité en mettant en place des actions dédiées :
- Collecter un maximum de données pour qualifier des prospects, réaliser des estimations à distance et rentrer des mandats pendant cette période.
- Organiser le suivi des acheteurs et des vendeurs dans l’optique de concrétiser leurs projets dès que les conditions le permettront.
- Continuer à rentrer et à promouvoir des biens immobiliers (les professionnels ont le droit de visiter eux-mêmes les logements).
- Proposer des visites virtuelles aux acquéreurs et les encourager à faire un premier tri parmi les logements à la vente.
- Conclure les transactions suffisamment avancées (avant-contrat signé).
- Travailler sa notoriété en renforçant son positionnement local.
- Poursuivre ses actions de prospection et de marketing.
Autrement dit, pas question de stopper les machines. Même en l’absence de cette étape fondamentale qu’est la visite physique, vous ne devez surtout pas baisser les bras et attendre que la parenthèse se referme sans rien faire – cela vous exposerait à des difficultés plus grandes encore une fois le confinement levé, puisque vous n’auriez que peu de mandats à travailler.
Sans faire preuve de pessimisme, il faut aussi s’attendre à ce que cette situation dure dans le temps. Rien n’indique que ce confinement automnal sera le dernier. Dans la perspective d’une alternance régulière entre périodes de liberté et épisodes confinés, il devient indispensable de s’organiser en deux temps : réaliser un travail préparatoire avec les prospects et clients pendant les confinements, puis concrétiser un maximum d’opportunités une fois les interdictions levées.
Il faut aussi se préparer à un changement profond d’attitude des clients, et donc à un basculement de la relation à l’aune des mesures adoptées depuis des mois, comme nous l’avions évoqué dans ce billet.
Heureusement, la planète immobilière ne s’arrêtera pas de tourner pour autant. Il sera simplement nécessaire de s’adapter !
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