• Auteur/autrice de la publication :
  • Temps de lecture :12 min de lecture

Réseaux de mandataires : des promesses à la réalité du terrain

« Prenez votre liberté », « Soyez votre propre patron », « Gagnez 10 000 euros par mois »…

Ces slogans inondent les réseaux sociaux et les plateformes de recrutement, promettant un avenir radieux aux futurs mandataires immobiliers. Ce modèle, qui repose sur l’indépendance des agents et l’absence d’agence physique, a déjà séduit des milliers de personnes en quête de reconversion professionnelle.

Mais alors que le marché immobilier traverse une crise sans précédent, que valent réellement ces promesses ? Le modèle des réseaux de mandataires, qui repose sur un recrutement continu, peut-il survivre à un volume de transactions en chute libre – passé de 1,2 million en 2021 à 760 000 en 2024 ?

Plongeons ensemble dans cette enquête pour comprendre les dessous d’un système qui a bouleversé l’immobilier… et qui doit aujourd’hui s’adapter pour continuer à exister.

Un modèle en pleine expansion… mais qui connaît un ralentissement certain dans un marché immobilier en crise

Le concept des réseaux de mandataires est apparu en France en 2002 avec la création de Capifrance. Ce modèle innovant repose sur deux piliers majeurs :

  1. L’absence d’agence physique, permettant de réduire les coûts.
  2. Une organisation basée sur des agents indépendants, entrepreneurs individuels ou micro-entrepreneurs, qui gèrent leur activité en toute autonomie.

Ce modèle a connu un essor fulgurant. En 2010, seuls quelques milliers de mandataires opéraient en France. En 2024, ils sont environ 45 000, répartis dans une centaine de réseaux. Cette croissance a été particulièrement marquée à partir de 2015, avec des recrutements en hausse constante

  • +2 000 mandataires en 2014 et 2015.
  • +4 000 en 2016 et 2017.
  • +6 000 en 2018 et 2019.
  • +8 000 en 2020 et 2021.

Mais en 2023, pour la première fois en une décennie, la tendance s’est inversée : le nombre de mandataires a diminué de 3 000. Cette baisse n’est pas due à une vague de départs, mais à une forte diminution des nouvelles entrées.

En effet, dans un marché en crise, le secteur attire moins de nouveaux candidats.

Paradoxalement, l’adhésion des clients à ce modèle continue de croître. En 2023, 25 % des vendeurs ayant fait appel à un intermédiaire ont choisi un mandataire, contre seulement 3 % en 2010. Les réseaux ont ainsi capté 25 % des transactions immobilières en 2023, soit environ 150 000 ventes.

Les acteurs du marché : des réseaux de mandataires petits et grands

Les réseaux de mandataires se classent en trois catégories : les grands acteurs, les réseaux en croissance, et les petites structures.

Les grands réseaux (+1 000 mandataires) dominent le marché. Voici les 6 plus importants :

  • IAD (13 700 mandataires et 451 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023).
  • Safti (5 600 mandataires et 180 millions d’euros).
  • BSK Immobilier (4 200 mandataires et 41 millions d’euros).
  • Propriétés-privées.com (3 300 mandataires et 104 millions d’euros).
  • Capifrance (2 600 mandataires).
  • Efficity (2 000 mandataires).

Ces réseaux dominent le marché grâce à un modèle économique bien huilé, fondé sur 3 piliers :

  • Le parrainage est un système de marketing de réseau (MLM) incitant les mandataires à recruter d’autres agents, générant ainsi des revenus supplémentaires.
  • Des commissions attractives : entre 70 % et 100 % des honoraires sont promis aux mandataires, en échange d’une redevance mensuelle.
  • Des outils performants sont proposés aux agents : des formations en ligne, des outils CRM, ainsi que la diffusion d’annonces sur des plateformes majeures.

Les réseaux en croissance (300 à 1 000 mandataires) se démènent pour sortir du lot en développant des modèles spécifiques et innovants. Par exemple :

  • eXp France (540 mandataires) est la filiale du géant international eXp Realty. Ce réseau mise sur des solutions technologiques avancées et sur la collaboration virtuelle.
  • BL Agents (330 mandataires) est un réseau axé sur l’expertise locale qui choisit des mandataires pour leur expertise sur leur secteur.
  • Sextant (310 mandataires) est un réseau spécialisé dans l’accompagnement personnalisé des conseillers.

Les petits réseaux (moins de 300 mandataires) ont un positionnement différent, axé sur la proximité locale. Ce sont souvent des réseaux régionaux ou départementaux, qui recrutent essentiellement des agents installés dans le même secteur. Parmi eux :  Liberkeys, LMD immobilier, Noovimo, Casadici ou Mon Chasseur Immo.

Mais alors, comment ces réseaux parviennent-ils à recruter leurs mandataires ?

Les stratégies de recrutement : entre promesses et réalité

En 2023, 75 % des mandataires sont issus d’une reconversion professionnelle. Les réseaux ont donc développé des stratégies marketing agressives pour séduire ces nouveaux profils, mais aussi pour cibler les professionnels déjà actifs qui cherchent à changer de réseau. Des stratégies qui reposent sur deux grandes promesses… qui elles-mêmes se heurtent à une réalité bien différente sur le terrain.

1. La promesse financière

Les campagnes de recrutement mettent en avant la possibilité de gagner des revenus conséquents rapidement. Il y a 3 aspects dans cette promesse :

  1. La richesse facile : la possibilité de devenir riche rapidement avec l’immobilier.
  2. La course à la rétrocession : les réseaux promettent des commissions allant de 70 à 90 %, et certains montent à 100 % au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires.
  3. Le système de parrainage : celui-ci incite à recruter des mandataires pour gagner plus. Ce système pousse les agents à s’occuper eux-mêmes de trouver de nouveaux candidats, ce qui permet de faire entrer plus d’argent dans les caisses.

2. La promesse de facilité

Certains réseaux laissent entendre qu’il est facile de réussir dans l’immobilier, en mettant en avant des images de travail depuis un hamac ou un transat. Dans cette optique, les réseaux de mandataires proposent des formations soi-disant « complètes », prennent en charge les formalités administratives, et accompagnent leurs agents sur l’aspect marketing. Cela, en contrepartie d’une redevance mensuelle.

Pour faire partie du réseau IAD France, il en coûte 163 € par mois. Chez Safti, c’est 159 €. Chez BSK Immobilier, 125 €. Chez Propriétés-privées.com, 169 €.

Cette promesse met sciemment de côté certaines réalités difficiles pour les mandataires :

  • Une formation initiale souvent rapide et insuffisante.
  • Une autonomie qui implique une gestion rigoureuse du temps et des finances.
  • Un turnover important dans les réseaux de mandataires.
  • Une forte concurrence, avec 45 000 mandataires sur le marché et un gâteau dont la taille s’est beaucoup réduite ces dernières années.
  • Une précarité importante, associée à une rémunération instable : un mandataire gagne en moyenne 1 800 euros par mois avant impôt, avec des écarts considérables entre les mois fastes et les périodes creuses.
  • Une perception dégradée du métier de la part du public.

Quelles perspectives pour les réseaux de mandataires dans un marché en tension ?

Le modèle des réseaux de mandataires a bouleversé le paysage immobilier, mais plusieurs défis se dressent désormais. Voici lesquels.

La précarité des agents

Les mandataires sont des indépendants sans salaire fixe.

Leurs revenus fluctuent fortement en fonction des ventes.

Les charges et redevances peuvent peser lourd sur leur trésorerie.

Un taux de turnover élevé

De nombreux mandataires quittent le métier après quelques moi, faute de ventes.

Les réseaux gonflent parfois leurs chiffres en comptant des agents inactifs. Cela consolide leur image de marque auprès des futurs mandataires.

Une concurrence accrue et une guerre des prix

Pour séduire les clients, certains mandataires baissent leurs honoraires.

Cette guerre des prix pourrait fragiliser encore plus le modèle économique.

L’impact de l’IA

L’intelligence artificielle rebat les cartes du marché des réseaux de mandataires.

L’avenir de la profession pourrait remettre en cause la prédominance des indépendants au sein de la force de production en immobilier

Un modèle à la croisée des chemins

Les réseaux de mandataires ont profondément transformé l’immobilier en France. Leur modèle, basé sur l’indépendance et le digital, séduit encore de nombreux professionnels en reconversion.

Mais avec un marché en crise, la baisse du nombre de transactions et un turnover élevé, ces réseaux doivent se réinventer.

L’avenir passera probablement par une spécialisation accrue, une montée en compétence des mandataires et une plus grande transparence sur les chiffres réels du secteur. Pour les aspirants mandataires, la vigilance s’impose : derrière les promesses alléchantes, la réalité du terrain est souvent bien différente.

Cet article vous a éclairé sur les réalités du modèle des mandataires ? Partagez vos expériences et vos réactions en commentaire !