La loi ELAN, ça vous dit quelque chose ? Adoptée définitivement par le Sénat le 16 octobre 2018 et publiée au Journal officiel le 24 novembre de la même année, elle vise à faciliter l’accès au logement pour les personnes les plus fragiles et à simplifier les démarches entourant la construction de nouveaux logements, entre autres choses.
Au regard de son domaine d’application, la « loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » (son nom intégral) concerne forcément les professionnels de l’immobilier. Alors, quels sont les changements (majeurs ou mineurs) qui en découlent ? Que devez-vous en retenir ?
Faisons le point ensemble !
Les grandes lignes de la loi ELAN
Commençons par visualiser la loi ELAN dans les grandes lignes, afin d’en délimiter les contours. Voici les trois grands axes abordés dans le texte.
- La construction. Le texte vise à simplifier les démarches relatives aux projets de construction dans le but de pallier le manque de logements neufs. Notamment en n’imposant pas de nouvelles normes pendant la durée du quinquennat (à l’exception de celles qui ont trait à la sécurité), en réduisant les délais des procédures de recours contre les permis de construire, et en simplifiant les démarches visant à transformer les locaux professionnels en logements. Cette facilitation touche aussi les normes d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite : seuls 20 % des logements devront les respecter désormais (contre 100 % auparavant), avec l’obligation, néanmoins, de rendre les 80 % de logements restants « évolutifs ».
- Le logement social. La loi ELAN s’attaque à la transparence dans l’attribution des logements sociaux : généralisation du système de cotation dans les grandes agglomérations, mise au clair des critères utilisés par les bailleurs pour décider de l’attribution des logements, réexamen régulier de la situation des locataires (tous les 3 ans, pour éviter les cas d’inadaptation entre les logements et les occupants). D’autres mesures ambitionnent de faciliter l’accès à la propriété pour les locataires de HLM, d’inciter à la diversité parmi les locataires, et de réorganiser le secteur.
- Les problématiques concrètes relatives au logement et aux activités professionnelles dans le domaine de l’immobilier. C’est ce point qui intéresse particulièrement les professionnels de l’immobilier, avec une foultitude de petits changements à prendre en compte. Par exemple : généralisation de la garantie Visale à tous les étudiants, simplification des procédures de réquisition des locaux vacants pour héberger des sans-abris, renforcement de l’arsenal de sanctions contre les locations saisonnières abusives… Ainsi que de nombreuses évolutions concernant la location (bail mobilité, engagement de caution à signer en ligne) et les obligations des professionnels – évolutions que nous allons voir dans le détail un peu plus bas.
Comme on peut le comprendre à la lecture de ces grandes lignes, la loi ELAN ambitionne de prendre acte de deux constats : d’une part, l’importance du problème du mal-logement en France. D’autre part, l’évolution des besoins des Français en matière de logement – plus de transparence de la part des professionnels, plus de mobilité et de diversité, un accès facilité au numérique, etc.
Cette prise en compte amène des changements que vous devez intégrer à votre quotidien, en tant que professionnels de l’immobilier. Nous allons maintenant détailler lesquels – en nous concentrant sur les questions relatives aux transactions, à la location et à l’administration des biens.
Ce qu’il faut retenir de la loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
La reconnaissance des titres des professionnels de l’immobilier
La loi ELAN entend clarifier la question du statut des professionnels de l’immobilier. Ainsi, les statuts d’ « agent immobilier », de « syndic de copropriété » et d’ « administrateur de biens » ne pourront plus être utilisés que par les détenteurs des cartes professionnelles ad hoc. Les agents commerciaux et les négociateurs ne pourront plus revendiquer le statut d’agent immobilier. Cela, dans un objectif de transparence.
La digitalisation des documents
Le monde se numérise, et la loi ELAN en prend acte. Elle autorise à digitaliser plusieurs documents dans le cadre d’une location : l’engagement de la caution, le dossier des diagnostics techniques et le règlement de copropriété.
Pour ce qui est de l’engagement de la caution (qui nécessite une signature), le texte supprime l’obligation de « mention manuscrite » apposée par le garant. Ce qui signifie qu’il est possible de le signer électroniquement – dès lors que son intégrité est préservée et que le signataire peut être clairement identifié par le biais d’un procédé d’authentification fiable. Les engagements du garant sont toutefois maintenus : il doit avoir pleinement conscience de la nature et de l’étendue de son engagement.
Pour ce qui est du DDT, la seule obligation consiste à obtenir l’accord du locataire pour l’envoi des diagnostics sous forme électronique. Idem pour le règlement de copropriété.
La mise en place du bail mobilité
Le bail mobilité est un marronnier de la loi ELAN. Ce contrat locatif particulier devrait être mis en place cette année. Il consiste en un bail d’une durée comprise entre 1 mois et 10 mois, pour un bien immobilier loué comme meublé à des personnes en situation de mobilité professionnelle – mission temporaire, mutation, formation, contrat d’apprentissage, stage, études supérieures ou engagement volontaire dans le cadre du service civique. Cette situation devra faire l’objet d’un justificatif. Typiquement, il pourra s’agir d’un consultant effectuant une mission de quelques mois chez un client dans une autre région que la sienne, et souhaitant avoir son propre logement temporaire.
L’originalité du bail mobilité réside dans sa courte durée (1 mois minimum) et dans l’impossibilité de le renouveler au-delà des 10 mois prévus. Au terme du contrat, si le locataire souhaite rester et que le bailleur y consent, le bail se transforme mécaniquement en contrat de location meublée (pour une durée d’1 an). Le loyer, s’il est librement fixé, ne peut pas donner lieu à une révision en cours de bail. Quant aux charges locatives, elles ne peuvent pas faire l’objet d’une régularisation ultérieure – il s’agit donc de bien calculer son forfait à la base. En outre, le bailleur n’a pas le droit de demander un dépôt de garantie : son logement sera couvert par la garantie Visale.
Le principal avantage du bail mobilité tel que décrit par la loi ELAN, c’est la possibilité offerte au propriétaire de récupérer son logement plus facilement. Que ce soit pour le louer à quelqu’un d’autre, pour en prendre possession, ou pour le vendre – sans devoir attendre l’échéance d’un bail longue durée, ni appliquer les règles strictes entourant le congé à donner au locataire.
La création du bail intergénérationnel solidaire
En plus du bail mobilité, la loi ELAN crée un « contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire ». Ce contrat permet le renforcement du lien social intergénérationnel en autorisant un senior de plus de 60 ans à sous-louer une partie de son propre logement (comme propriétaire ou comme locataire) à un jeune de moins de 30 ans, en contrepartie d’une compensation financière entendue comme « modeste ». Un locataire a l’obligation d’en informer son bailleur, mais celui-ci ne peut pas refuser, même lorsque le contrat interdit la sous-location. Car, dans les faits, il s’agit d’un partage solidaire du bien et non d’une sous-location en tant que telle.
Le retour du dispositif d’encadrement des loyers
L’encadrement des loyers n’en finit pas d’être enterré, puis déterré. La loi ELAN prévoit un (énième) retour du dispositif, applicable par les villes qui le souhaitent pendant une durée de cinq ans. La particularité de cette renaissance réside dans le fait que la responsabilité en incombe aux maires des communes ou aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale, et qu’il est possible de l’appliquer à un secteur et pas à un autre – même si les deux secteurs en question remplissent exactement les mêmes conditions.
Le durcissement des sanctions en cas d’abus dans le cadre d’une location saisonnière
Enfin, notons que la loi ELAN prévoit des sanctions renforcées contre les propriétaires qui ne respectent pas la réglementation de la location saisonnière. Ces obligations englobent la déclaration en mairie, le respect des plafonds de location à l’année (120 jours en tout) et la nécessité de déclarer les revenus locatifs. L’amende en cas d’abus va de 5 000 à 10 000 € en fonction du délit.
Retrouvez le texte de la loi ELAN dans son intégralité sur cette page.
pas de commentaires