Dans l’immobilier, sans doute plus encore que dans d’autres secteurs de l’économie, la crise du coronavirus a contraint les professionnels à accélérer la digitalisation. Pourtant, à peine dix ans en arrière, ce partenariat entre immobilier et digital semblait tout sauf évident : l’adoption de nouveaux processus et d’outils innovants se heurtait de plein fouet à un secteur réputé pour son immobilisme.
Mais les temps ont changé : l’immobilier ne peut plus échapper à la lame de fond du numérique ; des services inédits bouleversent les pratiques et transforment le parcours client ; les vendeurs et les acheteurs ne jurent plus que par le web au moment de démarrer un projet ; l’expérience utilisateur a profondément évolué. Tous les métiers sont touchés, y compris (et surtout) ceux de la transaction. À tel point qu’on parle volontiers d’ « agent immobilier digital » pour bien montrer cette connivence entre le conseiller/négociateur et les nouveaux outils qu’il actionne pour exercer son activité et offrir le meilleur service possible.
Cette (r)évolution a été en grande partie poussée par les clients eux-mêmes, dans un vaste mouvement vers l’avant qui a le mérite de rappeler une évidence trop souvent négligée : le logement concerne tout le monde et représente l’une des principales préoccupations des Français.
Conséquence : en 2021, plus que jamais, la digitalisation de l’immobilier n’est plus une alternative, mais une obligation. Pour les clients – qui doivent aller chercher les informations et les annonces en ligne. Et pour les professionnels – dans le but de développer leur activité, ou simplement la maintenir, et continuer de rentrer des mandats.
Comment la révolution digitale s’exprime dans l’immobilier ? Quelles conséquences sur votre activité quotidienne ? Dans cet article, nous vous proposons un (long) focus sur la transformation en profondeur du secteur et des professions de l’immobilier.
Immobilier et digital : un bouleversement inexorable, mais progressif
À l’aube du XXIe siècle, toute l’économie est transformée par le digital. Toute ? Non ! Un secteur peuplé d’irréductibles professionnels résiste encore et toujours à l’envahisseur numérique. Et ce secteur, c’est l’immobilier.
En effet, l’immobilier et le digital ne se sont pas toujours entendus à merveille. Alors que la plupart des secteurs économiques embrassaient la révolution digitale (parfois contraints et forcés, il est vrai), le domaine de la pierre est resté longtemps en arrière, faisant montre d’une prudence qu’il est aisé de lui reprocher aujourd’hui, mais que d’aucuns valorisaient hier en arguant du fait que la précipitation n’est jamais bonne conseillère.
Digitalisation de l’immobilier : professionnels VS clients
Pendant des années, la digitalisation de l’immobilier s’est résumée à la création, par les grands groupes comme par les enseignes locales, d’un site web utilisé comme simple vitrine virtuelle. Une page d’accueil, une page de contact, des pages de services – et basta. Beaucoup de professionnels continuent d’employer leur plateforme de cette façon, une pratique qui a naturellement amené à se poser la question de l’intérêt d’un site web d’agence immobilière à l’ère des réseaux sociaux et autres outils de communication instantanés (mais c’est une autre histoire).
Dans les faits, cette digitalisation très partielle s’est adossée à une continuation des processus métiers traditionnels et des méthodes de prospection « à l’ancienne » : saisie manuelle des données, formalités administratives fastidieuses, sessions de prospection préparées via des réunions formelles devant un tableau Velleda, etc. Comme si l’on consentait à avancer d’un pas vers le digital tout en reculant de trois ou quatre pas dans les processus. Avec un impact forcément négatif sur l’expérience utilisateur.
Car, dans le même temps, les clients, eux, embrassaient pleinement le numérique. Inutile de vous rappeler à quelle vitesse les Français ont adopté Internet, l’email, la dématérialisation des documents et des démarches, le smartphone, les objets connectés – comme s’il s’agissait des choses les plus naturelles du monde. Cette appétence pour le tout-numérique a naturellement englobé leur premier poste de dépense (et l’une de leurs principales préoccupations) : le logement. En quête de simplicité, d’immédiateté, mais aussi de transparence, ils ont accueilli à bras ouverts les possibilités offertes par le web en matière d’immobilier. À commencer par les portails d’annonces réservés aux particuliers.
L’émergence de la PropTech
Il fallait un événement pour bousculer le secteur de l’immobilier côté professionnels, pour montrer qu’il était possible de faire bouger les choses dans un univers connu pour son inertie. Cet événement, ce fut l’essor d’AirBnb.
Une révolution dans l’hôtellerie plutôt que dans l’immobilier, pensez-vous ? Oui et non. Certes, le premier secteur concerné par AirBnb, c’est l’hôtellerie de tourisme. Mais la puissance du coup asséné par la plateforme a touché tous les secteurs liés, plus largement, au logement et au concept d’habitabilité. Car le site, créé à San Francisco en 2008, n’a pas seulement bousculé les habitudes touristiques en proposant à tout un chacun de louer son propre logement à des gens de passage : il a montré qu’il était possible de concevoir le logement autrement et de remettre en cause un secteur (l’immobilier résidentiel) que l’on croyait immuable.
En somme, AirBnb, c’est l’acte de naissance de la PropTech. Et c’est là que les choses ont vraiment changé. La PropTech (« Property Technology »), c’est l’univers de l’innovation appliqué à l’immobilier digital, au même titre que la FinTech s’applique au monde de la finance. Un univers constitué d’une myriade d’acteurs, souvent des startups, qui se sont donné pour mission de faire tomber un à un les remparts qui entourent le secteur de l’immobilier, et d’améliorer ou de réinventer les services proposés par les professionnels « historiques » dans des domaines aussi variés que la transaction, la construction, la location, la gestion, le syndic, etc.
La PropTech, c’est – par exemple – Meero (place de marché dédiée à la sous-traitance des photographies immobilières), Habiteo (spécialiste de la modélisation 3D des biens immobiliers à destination des promoteurs) ou Matera (alternative numérique aux syndics professionnels). Mais aussi les services de visite virtuelle, de gestion des données, de promotion des biens immobiliers…
Des services capables de répondre à des besoins concrets exprimés par les utilisateurs, et qui ont commencé à être progressivement adoptés par les professionnels pour mieux coller aux attentes de leurs clients, suivant l’axiome « à Rome, fais comme les Romains » (en l’occurrence : « dans un monde où les clients plébiscitent l’immobilier digital, fais en sorte de digitaliser ton métier »).
En parallèle, les agents immobiliers, les négociateurs, les têtes de réseaux de mandataires, les promoteurs ont implémenté des outils de gestion de plus en plus développés – logiciels de transaction et de prospection, dématérialisation de certains processus (la signature électronique en est un excellent exemple), etc. – qui leur ont permis d’optimiser leurs processus et d’accélérer leur prise de décision. Mais dans ce contexte, l’immobilier digital s’est surtout manifesté par des signes de dématérialisation plutôt qu’à travers une digitalisation de leurs procédures métiers. Une subtilité que nous avons analysée dans un précédent article.
L’accélération due à la pandémie
Et puis, la pandémie est arrivée. Elle n’a pas initié le processus de digitalisation de l’immobilier, mais on peut difficilement nier qu’elle l’a fortement accéléré en contraignant les professionnels à trouver des solutions pour poursuivre leur activité en plein confinement. Comme nous l’avons souligné dans notre bilan de l’année passée, si le secteur s’en est plutôt bien sorti malgré les fermetures successives des enseignes, les obligations relatives au télétravail et les interdictions d’organiser des visites – le cœur de la plupart des métiers de la transaction, rien que ça – c’est surtout en raison de la forte résilience des acteurs du secteur qui ont pris leur destin en main pour continuer à exercer contre la vague, notamment en s’appuyant sur l’immobilier digital et ses nombreuses opportunités.
Concrètement, cette digitalisation accélérée a pris plusieurs formes :
- Mise en place des visites virtuelles et des « visio-visites » pour contrer l’interdiction des visites physiques au printemps et à l’automne.
- Accompagnement des vendeurs et des acheteurs tout au long des périodes de fermeture afin de les aider à poursuivre leur projet immobilier, grâce aux supports digitaux (site web, réseaux sociaux…) et aux applications de messagerie et de visioconférence. Avec pour conséquence une hausse exponentielle des transactions réalisées au lendemain de la fin du premier confinement.
- Emploi de la signature électronique pour concrétiser les ventes stoppées brusquement par le confinement.
Autant de méthodes et d’outils qui ont montré qu’en termes d’immobilier et de digital, il est devenu envisageable de prendre en charge une transaction et d’en traiter les différentes étapes à distance, en limitant au maximum les contacts physiques entre les personnes. (Un processus 100 % en ligne dont nous avions déjà démontré la possibilité dans un ancien billet de blog, qui s’est révélé étrangement prémonitoire…)
Cette accélération de la digitalisation de l’immobilier doit être prise au sérieux par les acteurs du secteur, car ces nouvelles pratiques pourraient être amenées à perdurer. Non seulement parce qu’il est impossible de dire quand cette crise sanitaire prendra fin ; mais aussi parce que les comportements des clients pourraient en être modifiés pour longtemps, y compris bien après que nous nous serons débarrassés du Covid-19.
Digitalisation de l’immobilier : de nouveaux services à forte valeur ajoutée
Si l’immobilier digital s’est finalement imposé malgré la résistance initiale des acteurs du secteur, et si les clients l’ont adopté si rapidement, c’est surtout parce que ce mouvement de fond s’est accompagné de la mise en place de nouveaux services caractérisés par leur énorme valeur ajoutée au bénéfice des utilisateurs (particuliers comme professionnels).
La digitalisation immobilière vue par les particuliers
Regardons d’abord du côté des particuliers. Il ne faut pas pousser loin la réflexion pour comprendre tout ce que le digital a pu apporter à des clients désireux d’améliorer leur accès à l’information, l’efficacité des services et la transparence des processus. Avec, dans tout cela, une forte dimension pratique : au même titre qu’il est plus facile de commander des produits sur une plateforme e-commerce et de les recevoir directement à la maison, il est plus simple de consulter les annonces immobilières en ligne et de contacter qui de droit sans avoir à sortir de chez soi ni pousser la porte d’une agence.
D’où le succès de services émergents aujourd’hui considérés comme des « must have » pour les professionnels : visite virtuelle, plans interactifs, site web dédié à la promotion d’un bien immobilier, etc. Des services qui permettent aux clients d’avoir une vision complète de l’offre immobilière, quel que soit leur projet – géolocalisation des biens, description détaillée, disponibilité en temps réel pour les acheteurs ; outils de promotion avancés, application mobile dédiée, communication instantanée pour les vendeurs ; gestion locative en ligne, simulateurs de rentabilité locative, syndic dématérialisé pour les investisseurs et les bailleurs ; etc.
Une révolution en phase avec les attentes des clients
Clairement, cette révolution de l’immobilier digital est en phase avec les attentes des Français. Fin 2019, l’agence en ligne Hosman a publié les conclusions d’un sondage réalisé pour son compte par Opinionway, révélant le point de vue de nos concitoyens sur la digitalisation de l’immobilier et sur l’avenir du secteur à l’aune des changements qu’elle induit.
On a pu découvrir à cette occasion qu’un tiers des Français estime qu’une transaction immobilière peut se passer tout à fait d’une intervention humaine, et que l’intelligence artificielle peut s’avérer plus efficiente qu’un agent immobilier (notamment pour estimer un prix de vente et faire « matcher » des biens immobiliers avec des acheteurs potentiels).
Autres enseignements importants : 25 % des Français seraient prêts à acquérir un bien après une visite virtuelle, même sans l’avoir visité physiquement ; et 36 % d’entre eux consentiraient à conclure leur transaction sans passer par un notaire, en s’appuyant sur un processus sécurisé de type Blockchain (promesse de délais fortement raccourcis entre la signature d’un avant-contrat et celle d’un acte définitif, bien qu’il reste à savoir qui s’occupera des vérifications d’usage au regard de la conformité du bien et des droits du propriétaire vendeur).
Ici, l’aspect générationnel occupe une place déterminante. Ce sont surtout les digital natives qui envisagent un avenir où l’immobilier se ferait sans intermédiaire : parmi les moins de 50 ans, ils sont 40 % à le penser. Une génération qui, demain, occupera tout l’espace de la transaction, ce qui contraindra toujours plus les professionnels à s’adapter.
La digitalisation immobilière vue par les professionnels
Du côté des professionnels, la prise de conscience de l’intrication inévitable entre immobilier et digital se fait doucement, mais sûrement. Quel que soit le domaine concerné, vente/achat, gestion locative, promotion immobilière, syndic, les acteurs du secteur ont bien compris que la digitalisation répond tout naturellement à des besoins et des attentes exprimés par les clients, et qu’elle est en cela inexorable, de la même façon que les fabricants d’appareils photo ont dû adopter le numérique pour s’adapter à la demande (en ce sens, le contre-exemple de Kodak devrait nous servir à tous d’épouvantail).
Pour suivre le mouvement – et idéalement pour le devancer – les professionnels doivent repenser leur offre de service et leurs processus, voire, dans une certaine mesure, réinventer leur métier, leur façon de travailler au quotidien. Ils doivent aussi prendre conscience que cette annexion de l’immobilier par le digital regorge de bienfaits pour la profession : ces différents outils peuvent les aider à améliorer leurs procédures et à optimiser leur fonctionnement, mais aussi à gagner en compétitivité, par exemple à travers l’implémentation d’une solution complète de gestion marketing couvrant la prospection et les actions de communication à destination des prospects – ce qu’on appelle un logiciel de marketing immobilier.
Éclaircissons un point : il ne s’agit pas d’acquiescer aveuglément aux attentes des Français en matière d’immobilier, et d’aller vers une transaction qui serait 100 % numérique. Non : l’agent immobilier n’a pas vocation à passer au tout-digital et à s’effacer physiquement (voire à disparaître tout court) pour satisfaire à cette vision d’avenir qui, précisément, n’est qu’une vue de l’esprit. Il faut que les professionnels accompagnent ces changements et se moulent sur ces comportements, tout en continuant de mettre en avant leur valeur ajoutée, ce qui les rend (et les rendra toujours) indispensables, notamment la connaissance du marché, l’expertise locale et la qualité du relationnel.
La nécessité d’un parcours marketing adapté
La digitalisation des services doit également pousser les professionnels à interroger leurs fondamentaux, en particulier en ce qui concerne leur stratégie marketing et de communication. Dès lors que les prospects (vendeurs, acheteurs, bailleurs…) utilisent les supports digitaux pour chercher des informations, communiquer et progresser dans leur projet, les agents immobiliers, conseillers et autres mandataires ont l’obligation tacite d’être présents sur les mêmes supports et d’adopter des pratiques qui leur permettront de répondre aux problématiques de leurs futurs clients.
En ce sens, c’est tout le cheminement marketing qu’il faut réadapter au parcours client dans l’immobilier. Cela passe par :
- L’activation de leviers de prospection et d’acquisition en ligne (site web, moteurs de recherche, réseaux sociaux, emailing…) ;
- Le suivi des prospects dans un tunnel de vente optimisé, de façon à les faire passer de simples contacts à signataires d’un mandat (notamment grâce à un logiciel de marketing alimenté par des données) ;
- La mise en place d’outils de facilitation de la communication et du suivi des étapes de la transaction (application mobile dédiée, visite virtuelle, signature électronique…).
L’importance de l’humain et de la confiance
Mais attention : ce n’est pas parce que l’immobilier est digital (désormais) que les fondamentaux du relationnel entre le professionnel et le particulier sont remis en cause.
Au contraire, on observe une chose intéressante : plus le numérique occupe de place dans nos sociétés, plus les gens sont en demande de lien social. Comme s’ils cherchaient à compenser la dématérialisation progressive du monde par une présence physique accrue. C’est dans cette optique qu’il faut voir, par exemple, le combat quotidien des consommateurs pour sauvegarder les emplois de service qui pourraient aisément être remplacés par des machines (typiquement le cas des hôtes et hôtesses de caisse).
En ce sens, il ne faut pas prendre pour argent comptant les velléités des digital natives au regard de la digitalisation complète des processus transactionnels. Parmi ceux qui disent être prêts à acheter une maison ou un appartement après une visite virtuelle ou en renonçant aux garanties offertes par un notaire, combien le feront vraiment ? Il y a fort à parier que la réponse est : très peu. C’est qu’on n’achète pas une propriété comme on le fait d’un téléphone ou d’une paire de chaussettes. La dimension physique de la transaction a encore de beaux jours devant elle, tout comme l’accompagnement par un professionnel.
Pour que l’immobilier digital tienne toutes ses promesses, il doit donc s’appuyer sur l’humain, dont découle naturellement la notion de confiance, si essentielle aux métiers de la transaction. Car, heureusement, la digitalisation de l’immobilier, tout en ayant largement dépassé le concept du site vitrine, ne se résume pas pour autant aux innovations portées par la PropTech qui ont une fâcheuse tendance à dématérialiser en masse. Cette digitalisation, humaine malgré tout, témoigne d’une attention accrue portée à ceux qui sont les premiers concernés par le logement, et qui doivent rester la priorité des professionnels : les personnes.
Est-ce que cet article vous a fait réagir ? N’hésitez pas à partager votre point de vue dans les commentaires !
pas de commentaires