Depuis quelques années, l’immobilier a un nouveau marronnier : l’encadrement des loyers n’en finit plus de revenir dans l’actualité. Un jour, il est en vigueur ; le lendemain, il est retoqué par les tribunaux administratifs ; le surlendemain, il est de nouveau appliqué (c’est ce que prévoyait la loi Elan pour 2019). Et, dans tout ça, ce sont les professionnels de l’immobilier qui ne savent plus comment se positionner.
Dans le cadre de vos services d’acquisition (de biens à louer) et de gestion locative, vous avez sans doute régulièrement affaire à des prospects et clients qui vous interrogent sur ce sujet complexe. Et puisque vous êtes censé vous tenir au courant de l’actualité du secteur, de ses évolutions et de ses tendances, vous devez pouvoir répondre aux questions posées sur l’encadrement des loyers. Ce qui suppose, en amont, d’en saisir les tenants et aboutissants. On vous aide à y voir plus clair !
L’encadrement des loyers relancé par la loi Elan
La loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ou loi Elan, pour faire simple), adoptée fin 2018, s’attache à modifier à la marge certains points problématiques du secteur de l’immobilier pour tenir compte de l’évolution des besoins et des attentes des Français en matière de logement. L’un des points clés de ce texte de loi concerne le retour du dispositif d’encadrement des loyers, très décrié en son temps, annulé par voie judiciaire deux ans après sa mise en place, et relancé à l’occasion de cette loi, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans.
Le dispositif s’applique de nouveau depuis le 1er juillet 2019 pour les baux signés à compter de cette date à Paris. Mais la loi laisse la possibilité aux autres grandes communes françaises de suivre cet exemple si elles le souhaitent. De fait, une trentaine de villes a déjà signifié son désir d’emboîter le pas à la capitale, en particulier en région parisienne et dans des zones tendues. Il est donc possible que vos prospects et clients soient déjà concernés par ce dispositif d’encadrement des loyers nouvelle version ou qu’ils le soient dans un futur proche, parce qu’ils sont propriétaires bailleurs dans une ville concernée ou parce qu’ils envisagent d’y investir.
Le fonctionnement de l’encadrement des loyers
D’abord, une piqûre de rappel : comme son nom l’indique si bien, le dispositif d’encadrement des loyers a pour but d’encadrer les règles de fixation des loyers. Il vise à limiter l’évolution des prix dans certaines zones géographiques considérées comme tendues, où la demande locative est plus forte que l’offre, et où les loyers ont beaucoup augmenté. Par exemple, avant l’entrée en vigueur du premier dispositif en 2015, les loyers parisiens avaient enregistré une hausse de 50 % en dix ans.
Traditionnellement, le montant du loyer est déterminé librement par le propriétaire qui met son bien en location. Celui-ci peut choisir de demander une somme deux fois supérieure à la moyenne s’il le souhaite, ou deux fois inférieure. Néanmoins, les loyers sont soumis aux règles du marché, tout comme les prix à la vente : un bailleur a donc tout intérêt à demander un montant cohérent par rapport à ce qui se pratique dans sa zone, afin de s’assurer de pouvoir louer son bien. Généralement, le propriétaire trouve un équilibre subtil entre les réalités du marché et la rentabilité attendue pour l’investissement. C’est d’ailleurs toujours le cas dans la plupart des villes de l’Hexagone, où le marché continue de s’auto-réguler.
Mais l’encadrement des loyers change la donne. En vertu de ce dispositif, un certain nombre de règles concernant la fixation du loyer sont édictées par le gouvernement et appliquées par les communes. Un propriétaire bailleur doit ainsi respecter un loyer de référence en fonction du type de location, du nombre de pièces du logement, et de l’ancienneté du bâti. Ce loyer de référence est défini par arrêté préfectoral. Il est complété par un loyer minoré (loyer de référence – 30 %) et un loyer majoré (loyer de référence + 20 %). En cela, on devrait plutôt parler de « plafonnement des loyers » et non d’encadrement.
L’encadrement des loyers concerne les locations vides et meublées, et les logements à usage de résidence principale ou mixte (habitation principale et professionnel) soumis à la loi du 6 juillet 1989. Le bail mobilité est lui aussi intégré. Le dispositif ne concerne toutefois que les résidences principales.
Certains types de logements sont exclus du dispositif. C’est le cas des résidences secondaires, des logements HLM, des biens conventionnés APL et par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), des locations de tourisme, des logements de fonction, et des logements soumis à la loi de 1948.
La règle à suivre pour une première mise en location
Dans le cadre d’une première location, le montant du loyer de référence doit apparaître explicitement dans le bail. C’est aussi le cas du loyer de référence majoré, s’il est appliqué. Faute de faire apparaître cette mention, le locataire dispose d’un mois à compter de la prise d’effet du contrat pour mettre en demeure le bailleur de le faire. En l’absence de réponse ou si le bailleur refuse d’accéder à sa demande, il peut saisir le tribunal d’instance. Celui-ci peut décider d’une baisse de loyer si le montant demandé par le propriétaire ne respecte par les règles du dispositif.
Dans certains cas de figure, il est possible de majorer ce loyer de 20 % (hors révision annuelle), voire d’appliquer un complément pour des logements qui offrent des caractéristiques exceptionnelles en termes de confort ou de localisation – par exemple, une vue exceptionnelle, des équipements luxueux, un parking, une terrasse ou un jardin, une hauteur sous plafond de plus de 3,3 m. Pour cela, il faut que le loyer de base soit au niveau du loyer de référence majoré. Les caractéristiques qui justifient ce complément doivent être indiquées dans le bail, mais le locataire est en droit de le contester.
La règle à suivre pour un renouvellement de bail
En fin de bail, le propriétaire peut réévaluer le loyer. Il doit en informer le locataire au moins six mois avant la date d’échéance. Cette réévaluation est elle aussi encadrée : le nouveau montant ne peut pas être supérieur au loyer de référence minoré en vigueur lorsque le propriétaire annonce le nouveau loyer au locataire. Celui-ci peut contester l’action en réévaluation, mais il doit pour cela fournir des références de loyer pour des logements similaires (au moins six références).
La hausse du loyer est étalée (et cumulée) sur la durée du bail, à raison d’un tiers par an pour un bail de trois ans (sauf si la hausse est supérieure à 10 % du loyer), et d’un sixième par an pour un bail de six ans.
Les villes concernées le dispositif
La principale ville concernée n’est autre que Paris, déjà visée par la première mouture du texte sur l’encadrement des loyers issu de la loi Alur de 2014. Depuis le 1er juillet dernier, les loyers de la capitale sont de nouveau encadrés, deux ans après que le tribunal administratif a annulé le dispositif (il était alors appliqué à Paris et à Lille). Seuls les baux signés après cette date sont touchés, les autres restent en dehors du dispositif. La loi s’applique à l’ensemble de la capitale, quel que soit l’arrondissement. Si vous avez des prospects ou des clients parisiens, il est donc important qu’ils sachent précisément comment cela fonctionne.
Le ministère de la Cohésion des territoires a mis en place, avec le préfet d’Île-de-France, un simulateur de loyer de référence à Paris. Voici le lien pour y accéder.
Une trentaine de villes sont candidates à l’application de l’encadrement des loyers sur leur territoire. Toutefois, n’importe quelle mairie ne peut pas décider d’encadrer les loyers des bailleurs : seules les communes ou agglomérations de plus de 50 habitants, où l’équilibre entre l’offre et la demande est notablement en défaveur de cette dernière (prix d’achat et loyers élevés, demande trop importante par rapport au nombre de logements disponibles…) peuvent en faire la demande. Pour l’instant, le dispositif n’est pas encore appliqué hors de Paris. Mais restez attentif : demain, c’est peut-être votre agglomération qui sera concernée !
Références
- Loi Elan du 23 novembre 2018
- Article 140 de la loi Elan au sujet de l’expérimentation parisienne
- Arrêté préfectoral fixant les loyers de référence à Paris et en Île-de-France au 1er juillet 2019
- Décret prévoyant les sanctions en cas de non respect du dispositif
- Lecture de la loi par le Journal du Net
pas de commentaires