Vous est-il déjà arrivé de vous retrouver dans un groupe au sein duquel une personne parle sans arrêt, en vous disant que chaque mot qui sort de sa bouche est brillant – avant de vous rendre compte qu’elle raconte beaucoup de bêtises ? À l’inverse, avez-vous déjà eu l’impression d’être dépassé, sans savoir quoi dire, face à des personnes qui semblent beaucoup plus compétentes que vous ?
Le problème est le suivant : il est difficile d’évaluer notre niveau de compétence comparé à celui des autres. Souvent, nous sous-estimons nos connaissances, tandis que nous plaçons trop de confiance dans celles des autres. Pourtant, cette perception de compétence peut être une illusion, avec des effets bien réels sur nos décisions.
Ainsi, l’on se retrouve à écouter aveuglément des « experts » qui affirment que l’économie va bien, que le marché immobilier est en pleine forme, et que la reprise est imminente. Au lieu de prendre des initiatives, on croise les bras et on attend que les choses s’améliorent d’elles-mêmes. Mais attention, car les experts peuvent se tromper ! Ils sont susceptibles de tomber dans la « surconfiance ». Ce phénomène a un nom : l’effet Dunning-Kruger.
Voyons ensemble comment ce biais fonctionne et comment éviter de tomber dans ses pièges.
L’effet Dunning-Kruger : qu’est-ce que c’est ?
Pour comprendre de quoi il s’agit, prenons un exemple concret. Vous avez peut-être déjà consulté des sites de santé en ligne avant d’aller chez le médecin, pensant savoir exactement ce dont vous souffrez et quels médicaments vous sont nécessaires. Après deux heures sur Doctissimo, vous vous sentez presque aussi qualifié que le médecin lui-même. C’est là un exemple typique de l’effet Dunning-Kruger.
Découvert en 1999 par les psychologues David Dunning et Justin Kruger, cet effet décrit le phénomène par lequel une personne ayant peu de connaissances sur un sujet surestime ses compétences. À l’inverse, les véritables experts ont tendance à sous-estimer leur niveau de compétence, pensant que ce qu’ils savent est évident pour tout le monde.
Ce biais cognitif nous empêche d’évaluer correctement nos capacités. Le manque de compétence nous gêne lorsqu’il s’agit de reconnaître nos propres limites, tandis que les personnes vraiment compétentes, elles, savent précisément où s’arrêtent leurs connaissances. Cela explique pourquoi les personnes les moins qualifiées ont souvent une grande confiance en elles, tandis que les experts, les vrais, s’avèrent généralement plus prudents.
L’effet Dunning-Kruger : un piège omniprésent
On retrouve ce biais dans de nombreux domaines : à l’école, au travail, dans les conversations sociales, et même dans le domaine de la santé. Un exemple frappant a été la pandémie de Covid-19, pendant laquelle de nombreuses personnes, sans aucune expertise médicale, se sont improvisées virologues. Partageant de fausses informations, certains ont minimisé l’importance des masques, vanté des traitements inefficaces comme l’hydroxychloroquine, et incité des tiers à ne pas suivre les recommandations sanitaires.
Un phénomène similaire se produit dans l’immobilier. Les « experts » du marché nous rassurent en affirmant que la crise est passée et que tout va revenir à la normale. Nous les écoutons, espérant que la situation s’améliore sans avoir à remettre en question nos pratiques. Pourtant, le plus souvent, ces experts ne sont pas plus compétents que nous dans l’analyse des situations économiques complexes. En les écoutant aveuglément, nous restons passifs au lieu de nous préparer aux changements à venir.
Lors de mes premières années en tant que directeur d’agence, je pensais être meilleur que mes collègues, simplement parce que j’appliquais les méthodes de mon réseau, qui fonctionnaient à merveille. Mais en 2007, lorsque la crise des subprimes a dévasté l’économie mondiale, mon chiffre d’affaires a chuté malgré l’application des mêmes techniques. J’ai alors réalisé deux choses essentielles :
- Je n’étais pas aussi compétent que je le croyais.
- Les soi-disant experts de mon réseau n’étaient pas plus qualifiés que moi, malgré leur statut.
Cela m’a ouvert les yeux sur un problème fondamental : ce n’est pas seulement le fait de surestimer ses propres compétences qui est dangereux. C’est aussi de penser que les experts ont toujours raison, et de les écouter sans réfléchir.
Les erreurs liées à l’effet Dunning-Kruger : trois niveaux de méprise
L’effet Dunning-Kruger peut nous piéger à trois niveaux différents :
1. L’erreur de l’expert
Les experts eux-mêmes peuvent commettre des erreurs, souvent en raison d’un manque de recul. Par exemple, un nutritionniste spécialisé dans une méthode de régime spécifique aura tendance à la recommander sans prendre en compte d’autres approches qui pourraient mieux convenir à son patient.
2. L’erreur de celui qui écoute l’expert
Nous avons tendance à écouter aveuglément les experts, croyant qu’ils détiennent la vérité. C’est ce que l’on appelle le biais d’autorité : nous surestimons l’avis de ceux que nous percevons comme des figures d’autorité. Ce biais peut nous empêcher de remettre en question des méthodes ou des conseils, nous conduisant à commettre des erreurs sérieuses.
3. L’incapacité à se remettre en question
Quand nous croyons aveuglément les experts, nous ne remettons pas en cause nos propres pratiques. Cela conduit à une stagnation, une absence de progrès, et dans les pires cas, à un recul face à des situations qui exigent du changement et de l’adaptation.
Comment éviter de tomber dans le piège de la surconfiance ?
Pour échapper à l’effet Dunning-Kruger, il faut apprendre à interroger les informations que nous recevons et à ne jamais tenir pour acquises les opinions des autres personnes, même celles des experts. Voici trois questions à se poser régulièrement :
- Est-ce que je remets en question les informations que je reçois ?
- Est-ce que je cherche moi-même des informations supplémentaires pour vérifier ce que l’on me dit ?
- Est-ce que j’attends passivement une amélioration ou est-ce que j’adapte mes pratiques en fonction des faits réels ?
Pour éviter de tomber dans ce piège, j’ai développé une méthode en deux temps que j’applique à chaque nouvelle situation :
- Identifier ses limites : quels sont mes points forts et mes lacunes sur le sujet ? Comprendre ce que je ne sais pas est la première étape pour progresser.
- Combler ces lacunes : se renseigner, analyser différentes perspectives, et comparer les approches permet de renforcer ses compétences et d’éviter les pièges de la surconfiance.
Le meilleur moyen d’avancer est d’accepter que l’on ne sait pas tout, et de rester ouvert à la remise en question. C’est en reconnaissant nos limites que nous pouvons progresser et éviter les erreurs dues à l’effet Dunning-Kruger.
Alors, ne prenez rien pour acquis, interrogez tout… Et surtout, continuez d’apprendre et de vous former !
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