Tout au long de nos publications récentes, nous vous avons donné des conseils et des recommandations pour préparer l’après-crise : revoir votre processus de vente, garder le contact avec vos prospects, construire votre audience, etc. Cela, de façon à être prêt quand l’activité reprendra et que les agences immobilières rouvriront leurs portes au public.
Oui, mais à quoi ressemblera cet « après » ? Y aura-t-il encore un marché immobilier ? Les acheteurs auront-ils les moyens de concrétiser leur projet ? Les prix vont-ils baisser drastiquement et pousser les propriétaires à attendre une éventuelle reprise ? Les chantiers seront-ils repoussés, voire abandonnés ? La fin du coronavirus arrivera-t-elle à temps pour que le marché ait la possibilité de se relever ? Faut-il craindre une récession économique qui impactera les transactions ?
Ces questions, vous êtes nombreux à les avoir en tête à l’heure où vos activités professionnelles sont à l’arrêt. Nous allons essayer d’y répondre, et de nous projeter vers l’avenir, en nous basant sur ce que nous savons actuellement de la situation.
Le marché immobilier à l’heure du Covid-19
C’est dans l’euphorie que les acteurs du marché immobilier ont abordé l’année 2020. Les signaux étaient au vert et laissaient entrevoir un printemps exceptionnel en termes de volume de transactions, dans la foulée de la très bonne année 2019 (plus d’un million de ventes). Selon une étude réalisée par MeilleursAgents, le mois de mars a été le théâtre d’une hausse globale des prix de 0,2 %.
Mais la crise du coronavirus et sa conséquence directe, le confinement, a complètement paralysé le marché. Depuis le 17 mars, il n’est plus possible d’organiser des visites de propriétés, les banques ralentissent l’examen des dossiers de demande de crédit, et les signatures de compromis/d’actes authentiques sont quasiment à l’arrêt (les études des notaires étant fermées, tout comme les agences immobilières).
Le marché immobilier n’échappera pas à un contrecoup, au même titre que l’économie française dans sa globalité. MeilleursAgents anticipe une contraction notable du volume des transactions, notamment parce que les mois de mars, avril et mai représentent traditionnellement la période la plus chargée de l’année. Même en comptant sur une sortie du confinement en mai et sur une reprise de l’activité en juin, il sera difficile de rattraper la totalité des opportunités laissées de côté durant cette parenthèse. Ce qui aura un effet sur le nombre total de transactions comptabilisées à la fin de l’année 2020, qui devrait être très inférieur au million (MeilleursAgents prévoit jusqu’à 200 000 ventes en moins).
Toutefois, l’impact réel du coronavirus sur le marché immobilier est impossible à estimer en l’état, tant qu’on ne connaît pas la durée de la crise. L’exemple chinois est souvent cité, mais s’y fier aveuglément serait oublier que la gestion de la pandémie en Europe est bien différente qu’en Asie. Sans porter de jugement, on constate des mesures de quarantaine bien moins strictes en France, et une réponse à la crise bien moins pertinente en termes de dépistage et de port du masque. Conséquemment, il n’est pas absurde d’imaginer que le confinement pourrait perdurer au-delà du mois de mai, sous une forme ou une autre, voire être levé temporairement pour être de nouveau imposé plusieurs semaines plus tard si l’épidémie repart de plus belle.
L’impact du coronavirus sur le marché immobilier dépendra également de l’ampleur de la crise économique. Selon l’Insee, chaque mois de confinement retranche 3 points à la croissance du PIB français. Dans le meilleur des cas, la croissance pour 2020 devrait tourner autour de -1,3 %… Un début de récession qui, même maîtrisé, devrait avoir un effet négatif sur les moyens financiers des acquéreurs.
L’évolution des prix des biens immobiliers
La crise sanitaire actuelle nous laisse face à de nombreuses inconnues. Mais l’une des plus importantes concerne l’évolution des prix sur le marché immobilier. Vont-ils continuer à augmenter, dans la droite ligne de la tendance haussière des dernières années ? Vont-ils baisser brusquement, voire drastiquement ? Vont-ils augmenter dans certaines régions (Île-de-France, PACA…) et baisser dans d’autres ?
Soyons clairs : il est impossible de prédire ce que feront les prix à moyen et long terme. À l’heure actuelle, les montants affichés dans les annonces n’ont pas bougé. Mais cela ne veut rien dire, dans la mesure où le marché immobilier est totalement figé. Penser que les prix vont rester stables sous prétexte qu’il n’y a plus de transactions en cours, c’est comme de mettre un poisson altéré au congélateur en espérant que les bactéries auront disparu quand on le sortira. La « chute des prix » pourrait être là, en suspens, et n’attendre qu’une chose pour s’exprimer : que le marché redémarre.
À ce titre, MeilleursAgents anticipe une baisse modérée des prix sur l’ensemble du territoire dans les mois à venir. Sachant que toutes les régions ne seront pas touchées de la même manière. Eu égard aux inégalités géographiques du marché immobilier, on peut envisager un recul modéré (voire indolore) dans les zones tendues comme Paris et sa région, et un recul plus prononcé dans les zones rurales où la demande est traditionnellement moins forte.
En outre, il est essentiel de tenir compte de la façon dont les différentes régions traversent la crise actuelle : dans les grandes agglomérations, le taux de cadres en télétravail est plus élevé que dans les zones rurales, par exemple. Ces populations devraient donc être moins impactées par la baisse inévitable du pouvoir d’achat résultant des mesures de chômage partiel, et conserver une bonne part de leurs capacités de financement. Ce qui ne sera pas le cas de tout le monde.
Les conséquences du coronavirus sur le crédit immobilier
Arrêtons-nous un instant sur les acheteurs, justement. S’il est difficile d’évaluer les conséquences du coronavirus sur le marché immobilier, c’est aussi parce qu’il est impossible d’anticiper les effets de la crise sur les moyens financiers des acquéreurs.
L’épidémie a fait exploser le recours au chômage partiel, une solution retenue pour faire face à la réduction de l’activité économique. Or, les employés qui bénéficient de cette solution touchent une indemnité horaire égale à 70 % de leur salaire brut horaire (84 % de leur salaire net horaire). Une baisse de revenus qui, en toute logique, devrait impacter le pouvoir d’achat (si la situation actuelle devait être amenée à se prolonger, cet impact se ferait sentir chaque mois plus durement). En fonction de la durée de ce ralentissement de l’activité, le chômage partiel pourrait influer sur les moyens financiers des candidats à l’acquisition – car, dans le même temps, les loyers n’ont pas été suspendus ni baissés, et les prix des denrées n’ont pas reculé.
Autre paramètre à prendre en compte : la prudence des banques au regard des demandes de crédit. Sur ce point, le dynamisme de 2019 avait déjà subi un sérieux coup de frein en raison des recommandations faites par le Haut conseil de stabilité financière aux établissements de prêt, au prétexte que trop de crédits « à risque » auraient été consentis l’année passée (durée supérieure à 25 ans et taux d’endettement allant au-delà de 33 %). Conséquence : on a constaté une baisse de 13 % des crédits immobiliers accordés au 1er trimestre 2020, les premiers touchés étant les ménages modestes.
La crise du coronavirus se déploie donc dans un environnement bancaire peu favorable. Les conditions d’octroi des prêts risquent de se durcir à l’issue du confinement, tandis que les établissements de crédit seront incités à soutenir en priorité les entreprises en difficulté, aux dépens des particuliers. Ce seront moins de crédits immobiliers pour les ménages, donc des projets qui ne pourront pas être concrétisés.
Enfin, il ne faut pas oublier une autre crise, plus insidieuse : celle de la confiance, susceptible de toucher même les ménages dont les capacités financières n’auront pas été impactées par le recul de l’activité. Même si le coronavirus devait disparaître totalement, les ravages du confinement dans les consciences seraient innombrables, causant en particulier une peur de l’avenir qui pourrait mécaniquement pousser les acheteurs à se montrer plus prudents… Ou, au contraire, à se reporter sur l’immobilier comme valeur refuge, poussant le volume de transactions vers le haut ! C’est une possibilité à ne pas exclure, mais qui doit être mise en corrélation avec la question des moyens financiers.
L’avenir du marché immobilier
On le voit : le marché immobilier à l’heure du coronavirus se caractérise par son incertitude. Il faudra attendre la fin de la crise (ou, du moins, la fin de la première étape de la crise…) pour estimer les dégâts et voir venir.
Néanmoins, on peut imaginer deux grands scénarios :
- Le coronavirus disparaît dans les mois qui viennent et l’activité reprend. L’économie, à l’arrêt depuis mars, est relancée rapidement car les capacités de production et de financement n’ont pas été atteintes. La Banque de France continue de favoriser des taux d’intérêt bas. Dans ce contexte, le marché immobilier reprend son cours et les acheteurs, qui ont bénéficié des mesures gouvernementales visant à limiter la perte des revenus, rattrapent le temps perdu en concrétisant des projets repoussés. Fin 2020, on enregistre une baisse notable du volume des transactions, mais le marché se porte bien.
- Le coronavirus se fait discret avant de repartir de plus belle en raison du déconfinement. Pour aplanir la courbe de la contagion, les autorités sont contraintes d’imposer autant de nouvelles phases de confinement qu’il y a de pics épidémiques. Les mesures prises par le gouvernement et les instances financières ne suffisent plus à soutenir l’économie. Les entreprises qui mettent la clé sous la porte envoient des millions de Français pointer au chômage, et l’économie entre en récession. Dans l’incapacité de trouver des financements adéquats, les ménages renvoient leur projet aux calendes grecques, et le marché subit une longue phase de repli.
À l’heure actuelle, personne ne peut affirmer qu’un scénario est plus probable qu’un autre. Aujourd’hui, la chaîne immobilière est complètement paralysée, y compris en ce qui concerne la construction (90 % des chantiers sont à l’arrêt, et ceux qui se poursuivent évoquent des difficultés d’approvisionnement en matériaux). Bien malin celui qui peut prédire ce qu’il se passera quand l’activité reprendra…
De bonnes perspectives malgré tout
Le secteur résidentiel devrait toutefois être moins touché que les autres, même dans le cas d’un scénario catastrophe, parce qu’il s’agit d’un marché structurel : les gens ont besoin de se loger. Mais encore doivent-ils pouvoir financer leur acquisition ou leur loyer, voire continuer à payer leur crédit… C’est là que la solidité de l’économie joue un rôle essentiel.
De nombreux experts se veulent optimistes en estimant que le marché immobilier ne devrait pas subir de retournement, même en cas de récession économique, dans la mesure où la pierre reste une valeur refuge.
De plus, la crise n’impacte pas durement les capacités financières des ménages les plus aisés, prompts à acheter dans les zones les plus tendues. Ce faisant, il ne serait pas surprenant de voir les prix se maintenir dans les grandes agglomérations où la demande est déjà forte. À Paris, par exemple, les prix n’ont pas (encore) baissé, alors que le nombre d’annonces publiées a reculé.
Enfin, il faut tenir compte du fait que les projets immobiliers ne sont pas forcément tous suspendus pendant le confinement. Alors qu’un décret autorise les notaires à valider des actes à distance (notamment les contrats de vente en suspens depuis le début de la crise), rien n’interdit aux vendeurs et aux acheteurs de poursuivre leur projet même enfermés entre quatre murs, à ceci près qu’ils ne peuvent pas organiser de visites, ni boucler leur transaction en l’état actuel des choses.
En tant que professionnels de l’immobilier, vous avez justement un rôle à jouer sur ce point : vous devez encourager vos acheteurs à continuer leurs recherches et proposer des solutions à vos vendeurs pour réaliser des estimations à distance, de façon à ce que les uns et les autres puissent reprendre le cours de leur projet dès la levée du confinement et la reprise d’activité. Reste à savoir quand cela aura lieu…
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