Voilà des années que les oiseaux de mauvais augure annoncent la disparition des intermédiaires physiques dans tous les domaines du commerce. Le secteur de l’immobilier n’échappe pas aux prédictions de ces Cassandre : si on les écoute, la disparition des agences physiques n’est qu’une question de temps. En clair, si vous avez une agence immobilière brick & mortar, comme on dit, vous devez vous préparer à ce qu’elle devienne tout à fait superflue dans les délais les plus brefs.
Le refrain est connu. Il est scandé pour de nombreux autres secteurs commerciaux. Mais y a-t-il une réalité derrière la bravade ? L’agence physique est-elle réellement condamnée à l’oubli, au profit d’une activité 100 % en ligne ? Les agences immobilière low cost, avec leurs processus dématérialisés et mobiles, vont-elles signer l’arrêt de mort des bons vieux locaux physiques ?
Ce n’est pas dit. Pas du tout, même.
Digitalise-moi ton agence immobilière, je te dirai où tu vas
Inutile de le nier : le digital a pris une place prépondérante dans le secteur de l’immobilier. La réalité de la transformation digitale ne peut pas être ignorée. Ce ne serait pas souhaitable, d’ailleurs, car les outils et les supports en ligne apportent au business immobilier une vraie valeur ajoutée à tous les niveaux. Comment travailler, aujourd’hui, sans un CRM performant ? Sans un site web permettant de capter le trafic issu des moteurs de recherche et des réseaux sociaux ? Sans des outils marketing conçus pour démontrer son expertise, attirer l’attention des prospects, accroître sa notoriété et organiser le suivi de ses futurs clients vendeurs et acheteurs ?
Une agence immobilière qui n’intègre pas ces outils prend le risque d’être dépassée par ses concurrentes, aussi sûrement que ces entreprises qui ont refusé de prendre le virage du numérique et ont fini par disparaître de l’équation. (Un seul exemple ? Kodak et l’appareil photo numérique.) Elle prend surtout le risque de passer à côté d’un vivier de prospects connectés qui, eux, ne jurent que par le digital.
Pour rappel, 90 % des projets immobiliers démarrent par une recherche sur Internet. Nous en sommes là. Refuser de le voir, ce serait comme d’éviter volontairement les zones poissonneuses en se disant qu’on arrivera toujours à pêcher de quoi assurer sa subsistance, quitte à n’être jamais rassasié.
Pour reprendre la célèbre formule de John Kennedy, une agence immobilière doit se demander ce que les outils digitaux peuvent faire pour elle, et non pas ce qu’elle peut faire pour eux. Le web continuera d’exister sans les agences immobilières ; mais il n’est pas dit que les agences, elles, pourront survivre sans le web.
Le danger, bien sûr, c’est celui du Grand Remplacement – des agences physiques, telles qu’on les connaît, par des acteurs exclusivement en ligne. Nous avons montré, dans un précédent article, qu’il est possible de prendre en charge une vente immobilière avec quasi-uniquement des outils web. Même si ce n’est pas souhaitable, c’est pourtant une réalité : un vendeur peut mettre son bien immobilier sur le marché et trouver un acquéreur, avec l’aide d’un professionnel, sans avoir jamais poussé la porte d’une agence – et, dans une certaine mesure, sans même avoir besoin de rencontrer le professionnel en question.
Cette réalité conduit à s’interroger : dans un monde où le digital permet de prendre en charge une vente dans sa quasi-totalité, quelle place pour les locaux physiques ? Quel est l’avenir de l’agence immobilière de brique et de ciment ? Où va l’agence traditionnelle une fois qu’elle a été digitalisée ?
Après le physique et le digital, voici venue l’ère du « phygital »
Qu’on se le dise : l’agence immobilière physique et les outils digitaux ne sont pas ennemis. Ils ont beau, parfois, se regarder en chiens de faïence, ils peuvent tout à fait s’unir dans un but commun : rentrer des mandats. D’un certain point de vue, ils sont même complémentaires et, pour cette raison, doivent fonctionner en synergie – on parle alors de modèle omnicanal, déployant un parcours à la fois digital et physique qui peut aller du web à l’agence, ou de l’agence au web.
C’est le sens donné à un néologisme récent : le « phygital », mélange de physique et de digital. Cette approche est utilisée au quotidien par les agents immobiliers, que ce soit dans le cadre de la prospection (terrain d’un côté, logiciel de prospection et/ou CRM de l’autre) ou de la communication (quelques exemples ici de communication print et digitale à la fois). L’avantage du « phygital », c’est qu’il ne néglige pas cette donnée essentielle de toute relation commerciale : l’importance du contact réel. Et d’autant plus, dans le domaine qui nous intéresse, au sein des locaux d’une agence immobilière.
L’agence immobilière physique résiste en prouvant qu’elle existe
Vous allez dire que le mélange physique/digital n’implique en rien la nécessité d’avoir une agence brick & mortar. Les réseaux de mandataires fonctionnent déjà sans locaux : les négociateurs rencontrent certes les prospects, mais ils le font dans l’espace public, n’ayant pas de bureaux à eux. De fait, l’essor du « phygital » ne prouve pas que l’agence immobilière physique ait encore un avenir.
L’erreur est de penser que l’agence physique n’a plus rien à apporter, puisqu’elle dispose de tous les outils digitaux dont elle a besoin. Or, rien n’est plus faux. Vos locaux conservent toute leur importance : ils dessinent un espace qui est celui des rencontres, de la proximité, de la qualité de l’expérience humaine, et de la personnalisation. Des concepts que le digital, à ce stade, ne peut que vaguement imiter.
L’agence, en somme, est le lieu d’une expérience personnelle bien plus riche que toutes les expérimentations et immersions que l’on peut proposer sur Internet. Elle favorise une stimulation sensorielle multiple, capable de réenchanter les rapports entre les prospects et les agents immobiliers.
Surtout, le local physique est une preuve tangible de l’existence de l’agence et de ses succès. Elle matérialise l’expérience, le savoir-faire, l’expertise et les compétences de toute une équipe : elle existe parce que les négociateurs font bien leur boulot. En elle-même, elle est une incarnation des succès passés et présents de l’agence. Elle résiste parce que l’enseigne est solidement ancrée sur ses jambes – et parce qu’elle existe aux yeux des prospects et des clients.
Osons une prédiction : l’agence immobilière physique va résister aux coups de boutoir du digital. Contrairement à ceux de Jéricho, ses murs ne tomberont pas, peu importe le nombre de tours et d’accords de trompette. Mais, pour cela, elle doit adopter une approche novatrice, devenir une « boutique immobilière » plus qu’une agence, créer un espace où puisse germer la confiance et la sécurité, faire du contact humain l’aboutissement du parcours client.
Cette résistance aura un prix. Celui de l’adaptabilité à un modèle transparent, multiservice, omnicanal, connecté, digital, et humain à la fois. Car, voyez-vous, la technologie immobilière, même pertinente, ne remplacera jamais la qualité d’une relation entre un professionnel qui connaît son métier et un particulier qui souhaite le meilleur pour son projet.
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